Faune et flore
Vol au-dessus d’un nid de cigogne
Aujourd’hui, je vole en compagnie de la cigogne noire, pour découvrir son territoire. Le ruban argenté de l’Armançon s’enfuit dans la vallée élargie, alors que nous descendons lentement vers les prairies de fauche. Elles sont traversées de fossés encore boueux des dernières pluies. Toute une vie se cache là-bas. A coups d’aile lents, le bec rouge qui pointe en direction du sol, ma compagne de vol commence à cercler au-dessus d’un bouquet de peupliers. J’aperçois des marais saisonniers, des ripisylves pleines de promesses, avec les saules têtards, les peupliers envahis par le gui, les populages qui baignent dans les rus scintillants.
Au loin, la forêt trapue semble être posée comme un tapis sur les lignes d’horizons si douces de la région. La cigogne noire est très silencieuse, je dois deviner ses intentions. Nous croisons quelques ramiers pressés, des alouettes des champs qui montent vers nous en vol ascensionnel. Elles chantent à tue-tête et débitent leurs trilles à une vitesse folle.
La cigogne est-elle susceptible de se servir dans le nid de l’alouette? Son régime le permettrait certainement. Elle avale beaucoup d’amphibiens, des insectes, des petits rongeurs et, quand l’occasion se présente, des oiseaux, jeunes au nid particulièrement. Bec rouge devant et ses longues pattes rouges qui lui servent de gouverne, le ventre blanc, elle ressemble à sa cousine en négatif, légèrement plus petite. Mais son envergure de plus 150 cm en fait un des plus grands oiseaux d’Europe.
Nous perdons encore de l’altitude, nous rasons maintenant la canopée, les martinets noirs filent à toute vitesse en se jouant du relief, quelques hirondelles rustiques tentent en vain de les suivre. Elle ralentit près d’un chêne robuste et trapu, ramène ses pattes brillantes vers l’avant, quelques grands coups d’ailes vigoureux, la tête redressée, elle se pose à côté du chêne, sur un pin dégarni. J’aperçois caché dans les ramures,un amas impressionnant de branchages de plus d’un mètre de large, le nid. Et, remuant maladroitement dans ce tas de feuilles et de brindilles, deux cigogneaux en duvet, il faut l’avouer, plutôt tristes avec leurs masques grisâtres, qui attendent en silence.
Mon élégante compagne de vol, dans ses habits noirs moirés de vert métallique, s’approche du nid pour régurgiter les proies directement dans leur bec. Elle, qui porte élégamment le smoking toute l’année, est solitaire, à l’inverse de sa cousine blanche, très sociable. Elle se cache au fond de la forêt, farouche migratrice, et me fait comprendre qu’elle souhaite la plus grande discrétion à propos de sa présence ici. Pas de nom, pas d’adresse. Bien, je descends de mon arbre, habité par la nostalgie du vent, l’air tiède parfumé de chèvrefeuille et d’humus, et je rentre à pied en me rappelant que la population française des cigognes noires ne compte qu’une cinquantaine de couples. Il suffit parfois d’ouvrir et de lever les yeux.
“Tant qu’on n’enseignera pas une arachnologie dans les écoles, tant que les araignées ne seront pas regardées dans chaque maison comme des animaux sacrés, et conservées avec le même respect que les hirondelles et les cigognes, l’agriculture n’atteindra jamais à un haut degré de perfection”. — Heinrich Zschokke, 1799.
© Ladislas de Monge
La cigogne noire
© Etienne Pelissier
Au fil de l’eau…
La frayère de Tonnerre
A cause des aménagements des rivières, la reproduction de certaines espèces est rendue plus incertaine. Pour oeuvrer au développement de la biodiversité et retrouver un milieu riche, une initiative entre le syndicat de l’Armançon et la ville de Tonnerre a été lancé pour aménager une frayère dans le périmètre de la ville.
L’alimentation par l’aval permet d’avoir une annexe qui n’a pas trop de courant et d’avoir de meilleures conditions pour la température et limite les fluctuations de la rivière lors d’éventuelles crues. Cette frayère a reconstitué artificiellement un environnement propice à certaines espèces et d’un point de vue expérimental, a répondu à l’objectif en seulement 3 années.
La ville de Tonnerre, avec l’aide technique du Syndicat de l’Armançon et les préconisations de la fédération pour la pêche de l’Yonne, a restauré un milieu aquatique annexe, détruit lors du terrassement du bras de décharge. Ce milieu se met en eau par l’aval au-delà d’un débit de 8 m3/s transitant dans l’Armançon et permettra ainsi à un cortège de plantes typiques des milieux humides de s’implanter et servira également à certains poissons comme lieu de fraie.
Suivi de la frayère à Tonnerre (dès juillet 2017)
Depuis les derniers travaux dans le bras de décharge de Tonnerre, la végétation est réapparue. Des plantes typiques des milieux aquatiques et humides s’implantent dans la nouvelle frayère, c’est un point important pour la biodiversité !
Particularité du site : l’eau de la nappe alluviale source constamment dans la frayère, donnant une arrivée d’eau claire intéressante pour le fonctionnement du milieu.
Nous pouvons ainsi observer des hélophytes (plantes avec les racines dans l’eau mais dont les feuilles sont aériennes) : salicaire, plantain d’eau, épilobe, iris, myosotis des marais, rubanier, etc ; et des hydrophytes (plantes vivant dans l’eau ou à la surface) : lentilles d’eau, cornifles nageant, potamots, etc.
Le suivi a aussi permis de mettre en évidence la présence de nombreux alevins de brochets chaque année. Effectivement, il suffit qu’une ou deux femelles accompagnées de quelques mâles se retrouvent au seins de la végétation immergée de ce milieu pour y déposer leur œufs. Ensuite la nature fait le reste… ce n’est pas de la magie. Après une quinzaine de jours d’incubation, les larves apparaissent, accrochées dans la végétation pendant quelques jours avec une petite ventouse. Les brochetons regagneront enfin l’Armançon pour y grandir.
© Le Syndicat Mixte du Bassin Versant de l’Armançon
Création artistique
Les pictogrammes créés par Ladislas de Monge s’inspirent de bâtons gravés « découverts » par un
aventurier américain dans les années 1820.
Ils sont attribués à une tribu de l’Est des USA, les
Lenapes/Delawares. Ils racontent l’histoire de ce peuple lors de la traversée du continent Nord-Américain d’Ouest en Est, au début de notre ère.
Les pictogrammes présentés ici sont originaux par rapport aux pictogrammes du Wala Olum, le nom de ce récit mythique pour ce peuple. Ils sont principalement réalisés avec de l’ocre rouge, l’ocre jaune et la poudre d’indigo.
© Ladislas de Monge
Faire la balade sonore
“Paysages sonores entre canal et méandre”
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